Extrait de l’Article de J-B Laberlée de L’Ardennais fevrier 1963:
FAIRE REVIVRE LE PATRIMOINE
Le chateau de Montcornet est chargé d’histoire, mais le passé ne doit pas nous faire oublier le présent et il est apparu tres important de rencontrer l’actuel proprietaire de chateau: M.l’abbé Lussigny.
L’abbé, vous habitez Trelon, dans le Nord, pouvez vous dire pourquoi et comment vous etes devenu proprietaire de Montcornet?
Et bien, c’était un rève que je caressais depuis des années: posseder un chateau. Non pas pour le plaisir d’etre chatelain, mais depuis longtemps je m’occupe des choses du passé. Et dans le Nord, avec une équipe d’étudiants, nous allions de longues heures faire des recherches autour de vieux chateaux, de tours abandonnées et autres constructions anciennes. Mais, n’étant pas proprietaire, nous ne pouvions travailler à notre guise et, tels des nomades, nous allions de chantier en chantier. Je nourissais donc le secret espoir d’avoir un jour mon propre chateau.
Appelé à venir souvent dans les Ardennes, j’ai eu ainsi l’occasion de découvrir Montcornet. M le Doyen de Renwez me permit d’entrer facilement en relation avec la proprietaire, Mme la Comtesse de Caumont-La-Force.
Il ne restait plus qu’à me rendre acquereur, ce qui fut fait. Je ne m’étendrai pas sur toutes les difficultés pour mener à bien cet achat, mais il y fallut un an d’efforts.
Les murs qui disparaissaient, voila encore peu de temps, sous le lierre et la folle végétation, sont maintenant bien apparents.
Nous avons passé bien du temps à ce défrichage, le chemin de ronde à lui seul a pris prés d’un an.
Vous me dites “nous”, quel est ce “nous”
En effet, je dois vous parler de notre équipe. Il s’agit de jeunes et de moins jeunes, pour la plupart du Nord, voici que des Ardennais viennent leur donner la main, qui aiment ce site et ont grand plaisir à s’y retrouver et à y travailler pour lui rendre quelque lustre. Etudiants pour la plupart ou anciens étudiants, ils viennent, célibataires ou en famille, travailler ici lorsqu’ils ont des loisirs. J’ai aussi deux officiers de marine qui, entre deux embarquements, viennent manier le pic et la pioche. Saint Exupery ne disait il pas: “ Si tu veux qu’ils s’aiment, fais leur construire une tour”; je ne sais si nous construirons ou reconstruirons les tours, mais nous les faisons ressurgir de leur amas de végétation et des décombres et, tous ces gars travaillant ensemble, apprennent ainsi à s’aimer.
Mais quel genre de restauration souhaitez vous réaliser?
Je vous ai dit que le défrichage nous avait pris pratiquement une année. La seconde année fut occupée à déblayer certaines salles; actuellement, nous mettons hors d’eau les souterrains et la salle du conseil. J’espère qu’en 1963 nous pourrons nettoyer et remettre en valeur deux cours. J’aimerais que l’on puisse permettre aux visiteurs que nous accueillerons dès l’année prochaine, de découvrir comment était le chateau et comment l’on y vivait.
Mais comment?
Il faut tout d’abord que tout soit déblayé et il nous reste à manoeuvrer des milliers de métres cubes de gravats et de terre. Ensuite nous devrons éclairer ces salles sombres et ces souterrains. Mon reve me fait souhaiter une sorte de spectacle son et lumière. Les visiteurs, accueillis à l’entrée, dans le “Salutatorium” y entendraient une description rapide du chateau et de son histoire, ensuite, ils pourraient se promener à leur guise. Il faudra donc meubler et éclairer. Meubler d’objets d’époque ou de copies parfaites, éclairer discretement par des ampoules électriques placées judicieusement dans des motifs d’architecture afin de ne pas transformer trop le cadre .
Voila, M. l’abbé de fort beaux projets dont les Ardennais se réjouieront sans doute. Souhaitons que votre équipe en mette un coup afin que nous puissions bientot profiter de vos travaux!
Ne soyez pas trop pressé, il nous faudra des années et des années, et meme ce ne sera jamais fini. D’ailleurs, tous ceux qui viennent m’aider travaillent tres lentement. En effet, ils doivent s’intéresser à ce qu’ils font. Pensez que nous sommes en train de vider le puits qui alimentait le chateau.Vous pensez que chaque visiteur ayant tenu à y lancer des pierres, celui-ci était entierement comblé. Mais qu’allons-nous y trouver? Aussi ne faut-il le vider qu’avec soin, regardant dans chaque pelletée de gravat, s’il ne s’y cache pas un vestige intéressant. Tenez, regardez ce minuscule morceau de fer rouillé. Il est bien petit et cependant, il est interessant, c’est un ressort de pistolet à pierre; voici plusieurs siècles qu’un armurier l’a forgé et trempé avec amour. Pour moi c’est un trésor.